Avant la séance, les questions des élèves sont recueillies de façon anonyme.
Dans une même classe de 6e, on peut lire « comment on fait les bébés ? » ( 4 fois)
« ça veut dire quoi faire l’amour ? »
« Pourquoi les garçons vont-ils voir des sites pornos ? » « Pourquoi les garçons sont perversiques ? » « Pourquoi ils sont obsédés par notre corps ? »
Triste constat : ils sont en manque de connaissances et sont déjà au contact d’images qui les envahissent mais ne les aident pas à être mieux informés.
En classe de 6e nous menons une valse à trois temps. Il y a ceux qui ne connaissent rien à la physiologie ni à la conception, grossesse, naissance, et qui surfent déjà sur les sites pornographiques, ceux qui ont entendu beaucoup de choses mais qui ont du mal à faire le tri et à mettre du sens, et enfin, une minorité, les enfants qui ont déjà entendu un discours familial constructif et qui sont plutôt mal à l’aise et gênés par rapport à ce que les autres racontent.
Première intervention avec un groupe de 12 garçons. Nous venons de commencer les présentations quand l’un d’eux se lève et lance à la volée : « oh madame, moi, le sexe , j’en connais un rayon !! »
Eclats de rire des autres, tout en connivence…
Je sens que je ne peux commencer la séance sans aborder tout ce qu’ils ont en tête. Ils ont envie de m’en parler, je les écoute. Tout en maintenant le cadre. Il ne s’agit pas de décrire le contenu qui pourrait heurter les autres. Il s’agit de dire la circonstance du visionnage, ce que cela leur a fait, ce qu’ils en pensent. Le contexte ? « un grand de 4e au CDI », « un « copain mais pas du collège », « chez des amis », « en ouvrant une fenêtre pop-up pendant un jeu vidéo »…
Une exposition la plupart du temps involontaire.
Ce que cela a provoqué ? du dégoût, mais aussi un peu envie d’y retourner… Ils sont honnêtes.
Je leur laisse le temps de raconter ce qui a été ressenti, s’ils ont trouvé des adultes à qui en parler, et ce qu’ils ont mis en place pour la suite.
Puis je leur parle de l’impact du visionnage sur leur construction, sur leur cerveau, sur leurs relations. J’insiste sur les stratégies à affiner pour ne pas se retrouver piégés. Valorise ceux qui ont ou auront le courage d’y renoncer, conscients des effets néfastes. Ce n’est pas facile à leur âge de ne pas faire comme les copains. Ils sont doublement courageux.
Je sens que dans le groupe, quelques-uns en regardent régulièrement. Comment faire ?
Ils peuvent me retrouver en point écoute le midi entre deux cours. Mais cela ne suffira pas. Ils ont besoin de se faire aider, de trouver un relais parental, thérapeutique, amical…
Pour cela il faut pouvoir en parler.
Et c’est là que se situe le point d’ancrage de notre mission d’adulte. Offrir ces espaces de paroles soutenants pour nos jeunes. La loi ne les protège pas. Nous, à notre niveau, soyons des protecteurs de terrain et valorisons les résistants.
Quelques retours du partage d’émotions qui a suivi cet échange : « je suis libéré d’un poids », « ça fait du bien d’en parler », « je suis content qu’on parle de ça »…
Maintenant, je sens que la séance peut commencer…
Je repars des changements du corps, du fonctionnement des organes génitaux, tente de leur faire toucher l’incroyable mystère de ce corps fait pour la vie. Ils sont émerveillés. Les rires ont cessé.
On s’est reconnectés à notre humanité.
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